Dimensions et particularités fonctionnelles syntaxiques de la position de l’adjectif épithète en français contemporain

 

Thierry Trubert-Ouvrard

Université Seinan Gakuin (Japon)
trubert@seinan-gu.ac.jp

 © Presses Universitaires de Caen, 2004, p. 279-292.
in Actes du Colloque LAdjectif en français et à travers les langues, Caen, juin 2001.

Résumé : En français contemporain, le groupe nominal comporte des suites adjectif/nom et nom/adjectif entre lesquelles on observe une synonymie, ou une analogie sémantique, malgré la différence dans l’ordre des mots. Nous nous proposons d’analyser la position nominale de l’adjectif selon des critères catégoriels ainsi qu’énonciatifs concernant les oppositions entre « présupposition thématique » dans la suite adjectif-nom (pré-construction antérieure dans le discours derrière laquelle l’énonciateur se retranche), et « marquage rhématique » dans la suite nom-adjectif, (l’énonciateur s’implique directement dans le discours, en posant la relation) ; la terminologie thème/rhème est empruntée à Henri Adamczewski. Nous nous appuyons sur les méthodes d’analyse lexicométrique semi-automatique afin d’évaluer ces différences énonciatives à partir d’un corpus extensible de 150 millions de mots. Ce corpus permet une observation scientifique des constructions attestées, leur récurrence ou leur marginalité, ainsi que leur analyse sémantique.

Summary: In present-day French, the noun phrase comprises adjective-noun and noun-adjective sequences between which one observes synonymy or semantic analogy, despite the difference in word order. We set out to analyse the nominal position of the adjective according to enunciative criteria concerning the contrasts between “thematic presupposition” in the adjective-noun sequence (antecedent preconstruction in discourse behind which the enunciator draws back), and “rhematic marking” in the noun-adjective order (the enunciator is directly involved in discourse in establishing the connection); the thematic / rhematic terminology is borrowed from Henri Adamczewski. We use semi-automatic lexicometric methods of word analysis in order to evaluate these enunciative differences; our corpus is extensible and made up of 150 million words. It allows for a scientific observation of attested constructions, their recurrence or their marginality, as well as their semantic analysis.

 

1. Introduction

Dans cette contribution, nous nous proposons de tenter de corréler deux hypothèses complémentaires sur la position de l’adjectif épithète dans le groupe nominal en français. La première hypothèse de travail relèvera de l’ordre de la catégorie : la valeur sémantique du nom, dans la suite nom/adjectif, se trouve restreinte ou sous-catégorisée par l’épithète (contrairement au cas avec l’épithète anaphorique dans la suite adjectif/nom qui ne crée pas de sous-catégorie au nom). La seconde hypothèse interrogera la fonction énonciative des suites adjectif/nom et nom/adjectif ; on y observera la neutralité de l’énonciateur ou son retranchement derrière la présupposition dans la suite adjectif/nom, alors que dans la suite nom/adjectif sera principalement remarquée la modalisation de l’énoncé par l’énonciateur, ce que nous appellerons le « marquage énonciatif ». Parallèlement à ces analyses, nous ferons quelques remarques descriptives d’ordre lexicométrique.
                On considèrera tout d’abord à la suite de Martin Riegel

                    
[que] les adjectifs sont des concepts descriptifs dont les occurrences se réalisent quand elles sont supportées par quelque chose qu’elles caractérisent et dont elles présupposent l’existence.[1]

En effet, épithète anté- ou postposée, l’adjectif est syntaxiquement et sémantiquement dépendant du référent particulier qu’il caractérise. Mais ces adjectifs, qui sont des « concepts descriptifs », peuvent surtout recevoir des particularités fonctionnelles syntaxiques très différentes selon leur place dans le groupe nominal, comme nous l’évoquions précédemment.


2. Sous-catégorisation du nom par la position de l’adjectif

Nous éliminerons dès à présent les cas de différences sémantiques bien connues entre la postposition et l’antéposition nominales de l’adjectif, comme dans les deux énoncés suivants qui illustreront par eux-mêmes cette distinction. Nous nous arrêterons donc pour n’en citer qu’un exemple, celui de l’adjectif « ancien ». En antéposition nominale (1) il signifie généralement « ex » ou « révolu » ; en revanche dans le cas de la postposition (2) il signifie « vieux - mais qui demeure toujours » ou « de longue date ».

(1)
Décidé par les Parisiens et non pas décidé par l’ancien maire.

(2)
Philippe Séguin a rappelé « une amitié ancienne et jamais démentie entre nos deux pays ».[2]

Cependant, l’épithète « ancien » qui généralement conserve selon sa position cette dichotomie sémantique observable dans les deux énoncés ci-dessus - sauf quand il est gradué par « très » - peut aussi se placer en position anténominale et sans graduation d’intensité avec le sens « de longue date » (3) comme dans les suites nom/adjectif.

(3)   
Et très précisément mon arrière-arrière-arrière-arrière-arrière grand-père, ce que Kaufman a fini par découvrir au cours de ses recherches. Il m’a donc contacté, et, à sa demande, j’ai retrouvé quelques anciens documents de famille qui devraient permettre d’identifier avec certitude l’homme trouvé au Colorado.[3]

On remarquera que la différence de catégorie sémantique n’est plus de mise dans cet énoncé et qu’ « ancien » signifie bien « de longue date » : les documents n’ont pas jusqu’à ce jour perdu de leurs propriétés. Il est signifiant d’observer que « de famille » pousse à l’antéposition de l’épithète ; ainsi (3a) est beaucoup moins acceptable que l’original.

(3a) 
??Il m’a donc contacté, et, à sa demande, j’ai retrouvé quelques documents anciens de famille qui devraient permettre d’identifier avec certitude l’homme trouvé au Colorado.

Cependant, si l’on supprime le complément de nom et que l’on opère une transformation dans l’ordre des mots entre adjectif/nom et nom/adjectif, voir (3b) et (3c), les deux énoncés paraissent sémantiquement identiques, avec cependant une modalisation possible dans « documents anciens » dans lequel l’énonciateur accentuerait phonologiquement l’épithète, étant donnée la règle d’intonation sur le dernier item de chaque groupe de mot en phonologie du français.

(3b) 
Il m’a donc contacté, et, à sa demande, j’ai retrouvé quelques anciens documents qui devraient permettre d’identifier avec certitude l’homme trouvé au Colorado.

(3c) Il m’a donc contacté, et, à sa demande, j’ai retrouvé quelques documents anciens qui devraient permettre d’identifier avec certitude l’homme trouvé au Colorado.

La dimension sous-catégorielle de suites adjectif/nom préconstruites dans le discours comme « petite fille » ou « grand homme », et observée dans ces pages avec « ancien maire » et « amitié ancienne », n’apparaît plus dans la suite « anciens documents ». En (3) le narrateur indique que le héros Mortimer a « retrouvé quelques anciens documents de famille » : « anciens » ici ne s’inscrit pas dans la construction d’une sous-catégorisation de la catégorie « document » qui, celle, reste intacte. L’épithète apporte uniquement une information descriptive et facultative à « document ». On observera que l’adjectif « anciens » peut être supprimé sans affecter l’acceptabilité de l’énoncé. L’épithète pourra également être remplacée par une autre, « vieux » par exemple. La glose en (3d) avec prédication de « retrouver quelques documents qui devraient permettre d’identifier avec certitude l’homme trouvé au Colorado » nous éclaire sur cette acceptabilité constante :

(3d)  
Mortimer a retrouvé quelques documents de famille qui, ici, accidentellement, se trouvent être anciens : sans doute mieux vaut-il qu’ils soient anciens pour permettre d’identifier avec certitude l’homme trouvé au Colorado, mais il n’est pas exclu également que des documents récents permettent d’identifier avec certitude l’homme trouvé au Colorado.

        Si l’on observe de plus près (3c), il est possible d’y déceler une ambiguïté sémantique : soit l’énoncé est synonyme de (3b), soit l’inversion suivante d’adjectif/nom en nom/adjectif fait apparaître une nouvelle sous-catégorisation de « documents » - « documents anciens » - qui recatégorise « documents » en restreignant son sémantisme : (3c) pourra ainsi être glosé en (3e).

(3e)  
Il m’a donc contacté, et, à sa demande, j’ai retrouvé quelques documents anciens, il m’avait en effet demandé spécifiquement qu’ils le soient (anciens) pour permettre d’identifier avec certitude l’homme trouvé au Colorado ; si ces documents n’avaient pas été anciens, ils ne l’auraient pas intéressé, il croit peut-être que seuls des documents anciens feront foi ou seront des preuves suffisantes dans l’identification certaine de cet homme trouvé au Colorado.

Dans cette transformation en nom/adjectif, apparaît une information nouvelle de type phase 1 dans « documents anciens » - nous faisons ici référence à la terminologie d’Henri Adamczewski et à ses travaux sur la notion des phases[4]. Cette nouvelle information vient s’imbriquer dans la prédication de « Mortimer a retrouvé quelques documents ». La glose de cette transformation fait apparaître l’apport d’une information modalisante sur les intentions du personnage, avec individualisation du sujet de la part de l’énonciateur.

        Remarquons enfin qu’en (3c), et selon la seconde acception sémantique proposée ci-avant, le fait de supprimer l’adjectif postposé transformerait le sens de la prédication « Mortimer a retrouvé quelques documents » : « anciens » n’est pas facultatif et cette qualification constitue la qualité requise à « documents » par le sujet de la phrase « il ».

            Nota bene : il s’agit bien ici d’une transformation à partir de (3b), et non pas à partir de l’énoncé original (3).

 

3. Dimension énonciative de la position de l’adjectif

Notre seconde hypothèse de travail porte sur la fonction de la position nominale de l’adjectif sur le plan de l’énonciation. Observons au préalable les exemples (4) et (5) tirés de journaux de campagne de candidats à la mairie de Paris pour les Élections municipales de mars 2001 :

(4)  
Philippe Séguin a souligné « la responsabilité immense des électeurs et notamment de tous les électeurs qui ne se reconnaissent pas dans l’hégémonie socialiste ».[5]

(5) Bertrand Delanoë clôtura la soirée en montrant que les méthodes proposées par les mairies de gauche, en concertation avec les habitants […] seront mises en œuvre pour aborder les tâches qui attendent la municipalité que nous appelons de nos vœux ; la tâche est exaltante mais immense et il prit pour exemple l’immense gâchis qu’est aujourd’hui les Halles pour illustrer son propos.[6]

Nous notons bien que ces deux énoncés sont écrits respectivement par les rapporteurs de deux journaux de campagne qui reprennent chacun les propos de leur chef de file. Notre intérêt se porte sur le fait que le premier énoncé offre la postposition de l’adjectif « immense » alors que le second son antéposition.

La différence de position d’« immense » ne semble pas tenir au sémantisme des noms qualifiés, en effet l’inversion dans chacun des deux énoncés est possible et ne changerait pas le sens de ceux-ci : « la responsabilité immense des électeurs vs. l’immense responsabilité des électeurs » dans le premier cas et « l’immense gâchis qu’est aujourd’hui les Halles vs. le gâchis immense qu’est aujourd’hui les halles » dans le deuxième. La différence entre les deux énoncés semble plutôt se situer sur le plan du « marquage énonciatif » en ce qui concerne la phrase de Philippe Séguin : l’énonciateur prend à son compte toute la responsabilité de son discours en y ajoutant une information nouvelle qui apparaît plus clairement dans la glose en (4a).

(4a)  
Philippe Séguin a souligné que la responsabilité des électeurs lui apparaissait de toute évidence comme étant immense.

 La postposition ici d’« immense » fait que l’énonciateur Philippe Séguin prend totalement à son compte son énoncé, il y inscrit sa responsabilité personnelle. D’ailleurs on ne manquera pas de remarquer le verbe employé par le rapporteur, « souligner », qui va dans ce sens.

En revanche, le second énoncé qui rapporte un discours de Bertrand Delanoë, et qui utilise « immense » en antéposition à « gâchis », paraît emprunter à l’imagerie collective des auditeurs du futur maire - et des lecteurs de son journal de campagne - le préjugé (existant ou non, car là n’est pas la question) que « les Halles est un gâchis immense ». Ce fait est présenté comme étant une réalité, ou du moins comme un lieu commun chez les Parisiens. Il ne s’agit pas là pour l’énonciateur de porter un jugement sur l’échec ou sur le succès des Halles, mais de présenter cet exemple comme la simple reprise - ou comme si c’était la simple reprise - d’une idée reçue ou déjà admise par tous. En utilisant l’antéposition le rapporteur-énonciateur inscrit l’énoncé dans la réalité. On ne manquera pas de noter dans ses propos la locution « pour exemple » qui sert à introduire cette idée présentée comme une vérité ou un lieu commun.

Examinons maintenant d’autres énoncés dont les distinctions émanent des mêmes critères que ceux précédemment mentionnés pour « immense », avec des exemples tirés du même corpus des Élections municipales de 2001 à Paris. En (6) et (7) où apparaît l’adjectif « profond » en emploi épithétique, l’inversion de position avant ou après le nom « changement » de l’épithète « profond » n’entraîne pas de modification sémantique du groupe nominal, sauf une différence d’intonation à l’oralisation du texte qui, elle, pourrait entraîner une modalisation ; notons cependant que cette modalisation est possible dans les deux cas. Le sens des deux groupe nominaux, en (6) « profond changement » et en (7) « changement profond », des deux énoncés est le même ; « profond » y a pour synonyme « radical ».

(6)  
Les Parisiens attendent un profond changement dans les pratiques qui prévalent depuis trop longtemps à Paris. Redonner de la dignité à notre ville, c’est d’abord restaurer l’éthique publique par la transparence et la concertation.

(7) Oui, à Paris l’alternance est désormais possible. Car jamais, les Parisiennes et les Parisiens n’avaient affirmé une telle volonté de renouveau pour la capitale. Seules, les forces du mouvement peuvent aujourd’hui y répondre avec la force et la loyauté indispensables : rassemblées, cohérentes, porteuses d’un projet clair et ambitieux, elles seront dignes du changement profond voulu par les citoyens.[7]


            Quelles différences d’interprétation énonciative peut-on relever entre « Les Parisiens attendent un profond changement dans les pratiques qui prévalent depuis trop longtemps à Paris » et « rassemblées, cohérentes, porteuses d’un projet clair et ambitieux, elles seront dignes du changement profond voulu par les citoyens » ? Ces deux énoncés rédigés par un même auteur comportent une même entité : « citoyen »/« parisien » présentée par cet énonciateur en tant que sujet demandeur de changement ; on remarquera d’ailleurs que la voix passive dans le deuxième énoncé n’entraîne pas l’antéposition de l’épithète. Dans le premier exemple l’énonciateur présente le mot « changement » comme étant naturellement qualifiable et qualifié de « profond » dans la situation contemporaine à cet énoncé puisqu’il doit remplacer des « pratiques qui prévalent depuis trop longtemps ». Ni le locuteur Lyne Cohen-Solal, ni les Parisiens, ne qualifient à titre personnel ce « changement » tant attendu de « profond » : « changement » est introduit comme s’il se devait de l’être - « profond » - car il ne peut se définir qu’ainsi pour opposer une discontinuité aux méthodes politiques du maire sortant.

    Dans le deuxième exemple en revanche, en (7) ci-avant, l’énonciateur associe son propre point de vue à celui du peuple parisien qui, du même coup, est introduit comme étant le départ de l’énonciation. L’énonciateur se fait le porte-parole des citoyens et émet l’idée que ce « changement » est à la fois voulu et qualifié de « profond » par les Parisiens (tout en prenant également à son compte cette qualification). L’énonciateur pose ainsi sa « marque » personnelle sur l’énoncé.


4. Aides lexicométriques

À partir de ces deux occurrences présentant toutes deux l’épithète « profond » postposée au même nom « changement », nous avons utilisé les moyens lexicométriques mis à notre disposition pour observer d’autres occurrences de cet adjectif en fonction épithète mais avec des noms différents. Dans une base de données que nous avons compilée et qui comporte environ cent cinquante millions d’occurrences[8] - occurrences tirées d’écrits journalistiques, d’essais, de fiction (romans, nouvelles, pièces de théâtre, scénarios de cinéma, etc.), de dictionnaires, et d’écrits de vulgarisation scientifique, tous à proportion égale - nous avons pu observer la fréquence dans le discours de la position de l’adjectif « profond ». Cette observation lexicométrique a été rendue possible grâce au logiciel Lexico 3 élaboré à l’Université de Paris III par l’équipe d’André Salem. Ce logiciel a généré une liste de concordances de tous les énoncés comprenant l’adjectif « profond », en position épithète seule.

Évoquons brièvement la méthode de travail des concordances : travaillant sur un corpus de cent cinquante millions d’occurrences, il s’avère bien sûr impossible de lire tout ce corpus et d’en retenir toutes les occurrences susceptibles de nous intéresser. Les concordances offrent un bref aperçu des énoncés : chaque ligne constitue le point central dans la phrase de l’objet du discours recherché.

 

Tableau 1 : Extrait de concordances avec CHANGEMENT+PROFOND

rt pour les États - Unis . Un changement profond s ‘ opère alors , révélant un

vinrent à s ‘ affranchir . Un changement profond des structures économiques te

chines pour les récoltes . Un changement profond de structure se produit en An

nt nommé pour faire face à ce changement profond de temporalité , cette nouvel

ME question . En matière de " changement profond des règles du jeu économique

le en 1969 ne provoque pas de changement profond . Par conviction , Georges Po

une des principales causes du changement profond de style intervenu dans la pe

l ait provoqué chez Sender un changement profond , et de là est né le sentimen

globe ont déjà contribué à un changement profond des mentalités et des culture

erre cuite , corresponde à un changement profond dans le domaine des conceptio

analyse vont être soumis à un changement profond : l ‘ espoir en l ‘ avènement

ire , que nous veillions à un changement profond , à une transformation intéri

nt deux étapes : d ‘ abord un changement profond dans le rapport entre l ‘ hom

nt pas trente - cinq ans , un changement profond dans le rapport au travail ,

Cette découverte apportera un changement profond dans nos habitudes ( syn : EN

s de la guerre attendaient un changement profond , un autre avenir : ils voula

 Rabin . . . Ils attendent un changement profond dans la position israélienne

nt dans la vie du cinéaste un changement profond : sa femme , Letizia , le qui

ise du XIVe siècle , connu un changement profond dans ses structures sociales

 le signe annonciateur d ‘ un changement profond dans le langage de ces scienc

s continuent de craindre des changements profonds qui menaceraient leurs privi

téraire subissait encore des changements profonds et répétés , il s ‘ avéra au

spect nouveau , entraîna des changements profonds dans la conscience et la psy

ion des Husserliana , et des changements profonds qu ‘ elle induit dans l ‘ id

e certaine continuité et des changements profonds ( Stargardt , 1978 ) . De la

il fallait qu ‘ il y eut des changements profonds d ‘ abord dans la société ru

résentée , pour lesquels des changements profonds aux textes prévus étaient de

rovoquent d ‘ autre part des changements profonds dans l ‘ organisation des ar

 présenté périodiquement des changements profonds solidaires d ‘ orientations

t , rien n ‘ indique que des changements profonds seraient décidés pour sortir

ienne semble montrer que des changements profonds sont en cours . M . Hachemi

 

Tableau 2 : Extrait de concordances avec PROFOND+CHANGEMENT

ère Guerre mondiale entraîna chez lui un profond changement d ‘ attitude . D ‘

 qui signifiait , à bien des égards , un profond changement d ‘ attitude . Il

e au sein des couches moyennes ; lent et profond changement dans la base socia

e , il convient surtout de mentionner un profond changement dans la sensibilit

 cas de la Croatie a cependant marqué un profond changement dans la vision de

thique teinté d ‘ Art déco . On verra un profond changement dans les œuvres qu

 explosion démographique a accompagné le profond changement de la répartition

ement de résidence s ‘ accompagna d ‘ un profond changement de style : à la vi

forme sérieuse qui ne passe aussi par un profond changement des mentalités . /

 planning familial , accompagnées d ‘ un profond changement des valeurs dans u

n particulier , le plus souvent , sur un profond changement du régime alimenta

 de Hong Kong ) sont l ‘ illustration du profond changement en cours . / SCIEN

ance de stabilité institutionnelle et de profond changement induit par la " no

t de technologie . Dans un tel climat de profond changement , les décisions co

e de Bourbon ( Louvre ) témoignent de ce profond changement par l ‘ ampleur du

synthétiseurs , ordinateurs . . . ) , un profond changement s ‘ est produit .

La conquête par Prithvi Narayan amena un profond changement social . Les Gurkh

re . L ‘ exemple de Rome suscita vite un profond changement , une réelle promo

aka et l’ Andhra Pradesh , a traduit de profonds changements . Dans ce qui fut

73 votants est un signe annonciateur de profonds changements . De fait , les é

SU / La vie littéraire connaît aussi de profonds changements . L ‘ esprit de c

à venir seront sans doute le théâtre de profonds changements " . La Chine et l

on imprévisible suscite actuellement de profonds changements . Peu à peu , l ‘

 

(Nous mentionnons qu’ont été retirées de la liste en question toutes les occurrences avec l’épithète apposée et mise entre parenthèses ou entre tirets.)

On observe sur le graphique 1 ci-après la courbe de la fréquence de la position de « profond » selon le nombre d’occurrences ; c’est-à-dire qu’au fur et à mesure du décompte et de l’observation des exemples engendrés par le logiciel, on a observé la fréquence de la position anté- ou postnominale de l’adjectif. Cette proportion évolue selon le nombre des exemples pris en compte selon les lois statistiques. La courbe de fréquence se stabilise à partir de six cents occurrences. La statistique de cette courbe de la position de l’adjectif par rapport au nom nous apporte une information digne d’intérêt : « profond » en emploi épithétique (avec le féminin et le pluriel inclus évidemment) se place dans soixante-trois pour cent des cas après le nom. Cette proportion est suffisamment proche de la moyenne (cinquante pour cent) pour observer que son antéposition nominale n’est pas une exception modalisante.

 

Graphique 1 :

 fig1

À titre comparatif, nous présentons ci-après deux autres courbes de fréquence de position nominale (respectivement celle de l’épithète « immense » et de l’épithète « précaire ») ; la comparaison des trois graphiques laisse observer que, d’une part, les fréquences ne se stabilisent pas toujours au même nombre d’occurrences (six cents pour « profond », six cent cinquante pour « immense », et quatre cent cinquante pour « précaire »). La deuxième observation est que toutes les trois se stabilisent à partir d’un certain nombre d’occurrences. Enfin la troisième observation brute que laissent apparaître ces courbes est que la fréquence de la position anté- ou postnominale de l’adjectif diffère selon l’épithète (soixante-trois pour cent pour « profond », quatre-vingt-six pour cent pour « immense », et quatre-vingt-quatorze pour cent pour « précaire »).

 

Graphique 2 :

 fig2

Graphique 3 :

 fig3

 

5. Conclusion

Nous souhaitons apporter à cette contribution l’exemple d’un nouvel énoncé avec à nouveau l’adjectif « profond » :

(8)  
Épuisés, assoiffés, le ventre creux, les soldats s’affalèrent à même le sol, sombrant instantanément dans une profonde torpeur.[9]

Le narrateur antépose l’épithète « profonde » à « torpeur » dans « dans une profonde torpeur ». L’énonciateur ne fait ni porter un jugement personnel ni n’apporter une information nouvelle - comme ce serait le cas avec « dans une torpeur profonde » où le narrateur insisterait sur la qualité de la torpeur, et ce déjà par l’intonation finale à l’oralisation. En fait, « dans une profonde torpeur » reprend, dans une suite logique préconstruite par la narration, l’information sur la situation des soldats britanniques. Celle-ci a déjà été annoncée au début de la page par l’image et par la narration :

          
une vingtaine de rescapés, troupes britanniques en déroute, erraient, à la nuit tombante, incapables de s’orienter, exténués [ainsi qu’au début de la phrase qui nous intéresse:] Épuisés, assoiffés, le ventre creux, les soldats s’affalèrent à même le sol [information illustrée par l’image-contexte] .

Cet énoncé est sans doute à différencier des précédents car la suppression de l’adjectif rend l’énoncé inacceptable. Nous observons donc ici le rôle-clef de l’adjectif épithète dans le groupe nominal et dans la syntaxe, particularités que nous avons voulu nuancer précédemment selon l’antéposition ou la postposition nominale. Sur le plan structurel, cet énoncé avec « profonde torpeur » ne se place pas sur le même plan que les précédents observés dans ces pages.

Nous avons tenté d’expliciter le distinguo des suites adjectif/nom et nom/adjectif dans une perspective catégorielle et énonciative éclairant certains cas d’antéposition et de postposition adjectivale. Nous notons bien que l’inverse des suites était souvent possible, avec cependant une différence sur le plan du marquage rhématique de l’énonciateur ou de la présupposition thématique des éléments du discours. Avec l’antéposition de l’adjectif, l’énonciateur ne modalise pas mais présente son discours comme étant déjà inscrit dans la réalité, et préconstruit ; il se retranche derrière cette catégorie. Avec la postposition de l’adjectif, c’est un jugement qu’il prend à son compte, une information nouvelle qu’il pose et inscrit dans son discours.

 

 

* * *

Références bibliographiques

 

Adamczewski H. (1982), Grammaire linguistique de l’anglais, Armand Colin, Paris.

Goes J. (1993), « A la recherche d’une définition de l’adjectif », L’Information grammaticale, 58, p. 11-14.

Goes J. (1999), L’adjectif. Entre nom et verbe, Champs linguistiques, Duculot, 348 p.

Larsson B. (1994), La place et le sens des adjectifs épithètes de valorisation positive. Études romanes de Lund 50, Lund University Press, Lund, Suède, 248 p.

Noailly M. (1999), L’adjectif en français, Ophrys, 168 p.

Riegel M. (1993), « Statut sémantique de l’adjectif qualificatif », L’Information grammaticale, 58, p.5-10.

Salem A., Habert B. & Nazarenko A. (1997), Les Linguistiques de corpus, Armand Colin, 240 p.

Tamine-Gardes J. (1985), « Initiation linguistique - introduction à la syntaxe (suite) - L’adjectif », L’Information grammaticale, 27, p. 42-45.

Wilmet M. (1980), « Antéposition et postposition de l’épithète qualificative en français contemporain », Travaux de linguistique 7, p. 179-201.

Yaguello M. (1998), Petits faits de langue, Seuil, Paris, 153 p.



[1] Riegel 1993, 5-10.

[2] Extraits d’une profession de foi du RPR pour les Élections municipales de mars 2001 à Paris ; c’est moi qui souligne.

[3] Exemple tiré de L’Étrange Rendez-vous, bande dessinée de Jean Van Hamme et Ted Benoit, 2001 ; c’est moi qui souligne.

[4] Adamczewski 1982.

[5] Extrait du journal de campagne du RPR pour les Élections municipales de mars 2001 à Paris ; c’est moi qui souligne.

[6] Extrait du journal de campagne du PS pour les Élections municipales de mars 2001 à Paris ; c’est moi qui souligne.

[7] Extrait de la profession de foi de Lyne Cohen-Solal pour les Élections municipales de mars 2001 à Paris dans le cinquième arrondissement ; c’est moi qui souligne.

[8] Nous appelons sous le terme d'« occurrence » tout mot ou unité lexicale.

[9] Exemple tiré de L’Étrange Rendez-vous, bande dessinée de Jean Van Hamme et Ted Benoit, 2001 ; c’est moi qui souligne.