À et DE après COMMENCER

dans le schéma V1 à / de V2

 

Thierry Trubert-Ouvrard

 

© Université Seinan-Gakuin, 1994

in Études de Langue et Littérature françaises, Université Seinan-Gakuin, numéro 30, été 1994, ISSN 0286-2409.

Quand on s'interroge sur la nuance entre les deux énoncés suivants : "Il commença d'escalader la colline" et "Il commença à escalader la colline", la réponse spontanée se trouve en général dans l'idée fortement répandue d'une différence de niveaux de langue, le premier plus soutenu, littéraire, et le second plutôt parlé, pour la conversation. Or un tel point de vue ne saurait nous satisfaire, car après une facile et brève mise en perspective du problème grâce à d'autres occurrences similaires optionnelles le choix entre à et de semble libre dans la plupart des énoncés avec commencer (mais pas pour se mettre qui se construit uniquement avec à) ou imposées par le système de la langue, nous observons qu'il n'est pas toujours question de style langagier. Chacun sait qu'à l'oral, les occurrences avec commencer à sont plus nombreuses qu'avec commencer de, mais l'observation de plusieurs textes littéraires des XIXe et XXe siècles m'a indiqué qu'il en était de même à l'écrit ; les auteurs (Flaubert par exemple) emploient peu commencer de (par rapport à commencer à). Comment alors reconnaître encore en toute honnêteté l'autorité de l'explication du choix entre à et de par les niveaux de langue ?

Pensons tout d'abord par analogie au verbe continuer qui semble accepter de la même façon que commencer les deux prépositions (j'emploierai dorénavant le terme d'"opérateur" pour qualifier À et DE) dans les énoncés de type " Verbe 1 + À / DE + Verbe 2 " , (Il continue à pleuvoir. Il continue de pleuvoir.). En revanche nous savons que finir, terminer ou cesser n'acceptent pas, eux, l'opérateur À, seul DE est possible, (Je finis / termine / cesse DE manger. *Je finis / termine / cesse À manger.). Si nous observons ensuite les verbes obliger, forcer et contraindre, nous relevons qu'à la forme active ils sont suivis de À et qu'à la forme passive DE prend le relais, (Ils m'obligent / me forcent / me contraignent À parler. Je suis obligé / forcé / contraint DE parler.). Enfin, l'observation de refuser et décider révèle l'apparition de À dans la structure " se + Verbe " comme avec se mettre précédemment mentionné (Je refuse / décide DE partir. Je me refuse / me décide À partir.).

Cette mise en perspective des occurrences de commencer à / commencer de pose un problème vaste mais, comme nous le verrons, moins complexe que l'explication traditionnelle basée sur une différence de niveaux de langues, qui manque de rigueur explicative. Afin d'aborder le plus simplement possible, sans l'interférence des formes actives, passives et pronominales, ce vaste programme de recherche sur l'énonciation des opérateurs à et de, je n'étudierai dans ces pages que les occurrences avec le verbe commencer. Je me baserai pour cette étude sur les travaux d'Henri Adamczewski *1 et poursuivrai son travail sur le couple Rhème / Thème et commencer à / de afin d'élargir la perspective et mieux comprendre la différence entre les deux occurrences. Je me permettrai aussi une référence à mes travaux antérieurs sur ICI et LÀ *2 car leur micro-système est, pour l'essentiel, le même que celui que je développerai dans le domaine de commencer à / de. La règle énoncée était la suivante :

ICI : Présentation, désignation d'un élément.
LÀ : Reprise, bilan effectué sur l'élément.

ICI et LÀ, opérateurs orientant l'énoncé respectivement vers la droite et vers la gauche, sont des outils linguistiques très éclairants puisqu'ils sont en mesure de signifier en surface, et avec rigueur, le micro-système que je proposerai pour commencer à / de. ICI, nous l'avions compris, reflète la linéarité et l'ouverture des opérations d'encodage (avec le fil naturel du discours) alors que LÀ corrige celle-ci en signalant une modification dans son ordre chronologique et une clôture au niveau du choix paradigmatique *3. C'est donc le statut de la relation entre les éléments des énoncés qui sera la base de l'analyse du problème qui nous préoccupe, autour du système d'ouverture et de clôture des énoncés.
La rigueur avec laquelle est gérée la distinction entre ici et ne se retrouve pas à un tel niveau, à mon avis, dans les énoncés avec commencer à / de. Le choix entre les deux opérateurs à et de semble libre dans beaucoup de cas, seuls certains contextes particuliers très contraignants imposeront l'un ou l'autre opérateur. Cependant dans tous les cas, les constructions avec à ou de ne s'en trouvent pas pour le moins identiques au niveau du sens ; ce seront des nuances laissées au libre arbitre des énonciateurs que j'analyserai pour tenter de dégager le micro-système spécifique de la structure commencer à / de.

(1) Adamczewski, Henri (1991) : Le Français Déchiffré, clé du langage et des langues, Armand Colin, pp.65-71.
(2) Trubert-Ouvrard, Thierry (1993) : Du nouveau quant à la relation déictique ICI/LÀ , in Études de Langue et Littérature françaises de l'Université Seinan-Gakuin, n.29, pp.177-188.
(3) Pour plus de lecture sur le sujet, consulter LFD (ibid.), p.68, chap.2.1.

* * *

Lisons quelques exemples dans lesquels commencer se construit tantôt avec à (schéma V1 à V2), tantôt avec de (schéma V1 de V2). J'avais commencé ces pages avec deux énoncés auxquels j'ajouterai maintenant un contexte explicatif :

(1) Jean avait décidé d'aller admirer la ville depuis les hauteurs de la campagne avoisinante ; il choisit la Côte de Saint Germain pour sa première sortie et le dimanche suivant, à l'aube, il commença à escalader la colline à partir de la source. À mi-chemin le soleil déjà haut lui brûlait les épaules.

(2) Jean avait pris cette habitude de regarder la petite ville assis dans l'herbe depuis le sommet de la Côte de Saint Germain qu'il grimpait à bicyclette, dès le point du jour. Ce dimanche-là, à la surprise de sa femme, il sortit et il commença d'escalader la colline après dîner : le matin même à la radio avait été annoncée le passage d'une pluie d'étoiles tard dans la soirée.

Il me paraît intéressant de remarquer le contexte présupposant de l'énoncé en (2) : notons les termes "là" (présupposant, indiquant que " dimanche " est connu ou considéré comme tel) et " surprise " qui signale une appréciation (liée au changement dans l'emploi du temps du sujet) du narrateur (point de vue de " sa femme ").
Notons aussi le bouleversement entre le développement naturel du discours (énoncé de surface) et la chronologie des opérations d'encodage : " escalader " est une notion qui existe déjà pour " Jean " (" il grimpait à bicyclette " est compris comme étant son habitude dominicale).
Dans " il commença d'escalader la colline ", l'accent est moins mis sur " escalader " que sur le fait de "commencer" l'action (V2 est déjà connu, nous l'avons vu ci-dessus, l'élément nouveau est V1 l'habitude du référent de " Jean " n'est pas "commencer-escalader" mais " escalader "). La transformation nominalisante de V2 nous l'indique par ailleurs avec le marqueur présupposant le / la : " il commença
l'escalade de la colline ".
Enfin, la raison du changement horaire est apportée en fin de phrase, après l'énonciation de celui-ci, alors que la motivation de Jean est antérieure à l'événement.
V1 est présupposant (dans le schéma V1 de V2), entretient une relation intime avec la modalité appréciative, signale une orientation vers la gauche de l'énoncé, et est plus marqué dans l'énoncé que V2.
En (1), V1 est non-présupposant (dans le schéma V1 à V2), il s'intègre dans une suite descriptive linéaire, il marque que l'énoncé est orienté vers la droite, il signale une ouverture sur le développement naturel du discours. Le statut rhématique de V2, élément nouveau dans le discours, est donné par à qui met l'accent sur celui-ci.
La question " Qu'est-ce qu'il commence ? " est pertinente après (1) et indique que le co-énonciateur n'a pas entendu V2. En revanche, après l'énonciation en (2), cette même question serait impertinente ou ironique, le co-énonciateur connaissant déjà V2.

* * *

J'étudierai maintenant d'autres occurrences significatives avec commencer à / commencer de relevées elles dans deux oeuvres : un essai contemporain (Marie-Françoise Hans : Les Femmes et l'argent) et un roman classique (Gustave Flaubert : Madame Bovary), abrégés respectivement (H) et (F) en fin de citation dans la suite des énoncés.

(3) Quel pauvre homme ! quel pauvre homme ! disait-elle tout bas, en se mordant les lèvres.
Elle se sentait, d'ailleurs, plus irritée de lui. Il prenait, avec l'âge, des allures épaisses ; il coupait, au dessert, le bouchon des bouteilles vides ; il se passait, après manger, la langue sur les dents ; il faisait, en avalant sa soupe, un gloussement à chaque gorgée, et, comme il
commençait d'engraisser, ses yeux, déjà petits, semblaient remonter vers les tempes par la bouffissure de ses pommettes. (F)

Ici le contexte présupposant est si flagrant que l'énoncé est hautement éloquent sur l'emploi de l'opérateur de, le lecteur peut deviner à l'avance le domaine sémantique du référent de V2 "engraisser" (dans le schéma V1 de V2). Les informations qui suivent ce schéma ("bouffissures") sont déjà déterminées, programmées, non seulement par "des allures épaisses", mais aussi par les détails descriptifs évocateurs du laisser-aller de Charles Bovary perçu par le narrateur-Emma (point de vue annoncé par l'appréciation antécédente "quel pauvre homme !" répétée, et la marque exclamative).
L'énoncé est fermé, bloqué ; V2 "engraisser" ne saurait se substituer qu'à un autre verbe du champ sémantique introduit dans le contexte avant. Le narrateur insiste d'abord ici sur les premières transformations physique de Charles : " ses yeux (...) semblaient remonter..." (il n'est pas encore vraiment gras). L'important est donc ce commencement, ces premiers signes auxquels Emma n'est pas habituée.
Le contexte fortement présupposant me paraît dans ce cas précis empêcher (ou fortement restreindre) l'emploi de l'opérateur d'ouverture à après commencer.

(4) Ils étaient au lit lorsque M. Homais, malgré la cuisinière, entra tout à coup dans la chambre, en tenant à la main une feuille de papier fraîche écrite. C'était la réclame qu'il destinait au Fanal de Rouen. Il la leur apportait à lire.
- Lisez vous-même, dit Bovary. Il lut :
- " Malgré les préjugés qui recouvrent encore une partie de la face de l'Europe comme un réseau, la lumière cependant commence à pénétrer dans nos campagnes. C'est ainsi que, mardi, notre petite cité d'Yonville s'est vue le théâtre d'une expérience chirurgicale qui est en même temps un acte de haute philanthropie. M. Bovary, un de nos praticiens les plus distingués, (...) " (F)

Notons avant tout le caractère non-présupposant de commencer à dans cet exemple : les informations (contexte et situation) qui se trouvent à gauche de V1 ne fournissent pas matière à la présupposition de V2. Le texte entre guillemets, lui, est un article pour le journal régional et se présente sous la forme d'une information au sujet d'une opération médicale.
Le lecteur est prévenu à l'avance (avec "malgré" qui annonce une opposition et "cependant" qui marque une coupure) d'une information nouvelle donnée dans les lignes suivantes, contraire à ce qu'il pense ou croit déjà savoir ("les préjugés"). Le rédacteur (Homais) déclare ainsi : (je glose) " ce n'est pas ce que vous croyez, nos campagnes sont ouvertes aux progrès de la science ". La suite du texte souligne alors la nature de cette nouvelle : description explicative, introduite par "c'est ainsi que". La description d'ensemble de l'article est orientée vers la droite (ceci signalé par le schéma V1 à V2), vers le développement naturel du discours.
V1 "commence" n'est pas marqué dans le discours autant que V2 "pénétrer", dont le sens révèle la nature du message d'Homais. Il insiste sur la grandeur de la science, et non sur ses premiers pas.
Au contraire, le schéma V1 de V2 mettrait l'accent sur les balbutiements de la science ("la lumière") dans ces campagnes, sens impertinent avec la nature du message de l'article.

En (5) ci-après, les mêmes remarques pourront être tirées du monologue introduit par "il reprit" (qui signale avec éloquence une interruption du discours). À la suite de V1 à V2, est donnée l'explication de V2 "repentir" ("gardeur de bêtes à cornes", "nulle aptitude", "à peine coller une étiquette", "chanoine", "coq en pâte" et "goberger"). Nous avons bien ici une orientation de l'énoncé gauche / droite caractérisée par le rôle d'ouverture de à :

(5) Il citait du latin, tant il était exaspéré. Il eût cité du chinois et du groenlandais, s'il eût connu ces deux langues; car il se trouvait dans une de ces crises où l'âme entière montre indistinctement ce qu'elle enferme, comme l'océan, qui, dans les tempêtes, s'entrouvre depuis les fucus de son rivage jusqu'au sable de ses abîmes. Et il reprit :
- Je commence à terriblement me repentir de m'être chargé de ta personne ! J'aurais certes mieux fait de te laisser autrefois croupir dans ta misère et dans la crasse où tu es né ! Tu ne seras jamais bon qu'à être un gardeur de bêtes à cornes ! Tu n'as nulle aptitude pour les sciences ! à peine si tu sais coller une étiquette ! Et tu vis là, chez moi, comme un chanoine, comme un coq en pâte, à te goberger ! (F)

(6) Ils arrivèrent à la nuit tombante, comme on commençait à allumer les lampions dans le parc, afin d'éclairer les voitures. (F)

On cherchera en (6) le fonctionnement de l'opérateur d'ouverture à dans la deuxième partie de la phrase "afin d'éclairer les voitures", l'énoncé requiert rigoureusement le schéma V1 à V2. La raison d'"allumer" se trouve dans "éclairer les voitures" (cf. "afin de"), explication à droite de V2 qui nécessite donc un énoncé ouvert.

En revanche en (6') ci-après, "commencer d'allumer" s'inscrit dans le discours en venant compléter sémantiquement "à la nuit tombante" ; l'énoncé fermé (avec le schéma V1 de V2) est possible :

(6') Ils arrivèrent à la nuit tombante, comme on commençait d'allumer les lampions dans le parc. (transformation de F)

En (6), entre V1 et V2, l'accent est donc mis sur "allumer" (V2) qui est en relation avec "éclairer", alors que dans la transformation (6') c'est V1 "commencer" qui est mis en parallèle avec l'arrivée de "la nuit".

(7) Des gens qui sortaient du spectacle passèrent sur le trottoir, tout en fredonnant ou braillant à plein gosier : (O bel ange, ma Lucie !). Alors Léon, pour faire le dilettante, se mit à parler musique. Il avait vu Tamburini, Rubini, Persiani, Grisi ; et à côté d'eux, Lagardy, malgré ses grands éclats, ne valait rien.
- Pourtant, interrompit Charles qui mordait à petits coups son sorbet au rhum, on prétend qu'au dernier acte il est admirable tout à fait ; je regrette d'être parti avant la fin, car ça commençait à m'amuser. (F)

La marque de rupture "pourtant" annonce de la part de Charles une opinion différente de celle de Léon, une information nouvelle. "Ça commençait à m'amuser" ne signifie ni que Charles s'amusait ni qu'il s'ennuyait jusqu'au moment du départ. "S'amuser" est choisi dans le paradigme V2 à partir de Ø.
Le schéma V1 de V2 en revanche signalant l'existence latente du référent de V2 mettrait l'accent sur V1. Il indiquerait l'accord de Charles (et non son désaccord) avec l'interlocuteur et donc un ennui précédent, énoncé alors ironique, inacceptable ici puisque le locuteur "regrette" le départ anticipé.
*4

(4) La transformation (7') de (7) rend acceptable le schéma V1 de V2 : (7') (...) je suis heureux d'être parti avant la fin, car ça commençait de m'amuser.
La modification sémantique de V2 est intéressante : "s'amuser" prend le sens de "s'ennuyer". En (7) et (7'), le locuteur (Charles) et le sujet modal de "regretter" ou d'"être heureux" coïncident, c'est "je". Mais si le contenu propositionnel pris en charge par le locuteur en (7) a une valeur de vérité ("s'amuser, se divertir"), en (7') il acquiert une valeur ironique, rendue possible par de présupposant "être heureux".
Remarquons que (7"), transformé de (7'), est impossible : (7") * (...) je suis heureux d'être parti avant la fin, car ça commençait
à m'amuser. (transformé de 7')
L'énoncé est inacceptable car V2 (dans le schéma V1 à V2) est choisi dans un paradigme et n'a pu recevoir une modification sémantique (s'ennuyer) ajoutée à son sens premier (se divertir), modification seulement possible dans un énoncé présupposant.

On note pour commencer à V2 un plus grand nombre d'emplois que dans le cas de commencer de V2. Les exemples suivants V1 à V2 sont destinés à donner une idée du rôle varié du signal d'ouverture à.
J'inscrirai en italiques dans les exemples ci-après les parties du discours signalant cette ouverture (marques de rupture présentant une information nouvelle), ainsi que les descriptions explicatives postérieures à V1 à V2.

(8) Après la révolution américaine, de nouveaux immigrants déferlent sur le pays. Ils transportent avec eux les idées européennes, si contraires à la liberté féminine. Du coup, les femmes qui travaillent hors de chez elles commencent à être considérées avec méfiance. La machine à exclure se met en marche. Interdiction d'exercer nombre d'activités, perte progressive du droit de vote, relégation au foyer, si bien qu'en moins de cinquante ans, l'idéal de l'épouse oisive conquiert l'Amérique ! (H)

(9) En fait, l'argent pénètre partout... sauf dans la maisonnée des pauvres. Certes, avec le déclin de la propriété foncière et l'avènement du machinisme, la situation commence à se modifier. Mais avec tant de lenteur, tant de difficultés ! A l'usine, les femmes prennent part à la production, contribuent au maniement des machines, à égalité quasiment avec les hommes. (H)

(10) La "faillite" -- Clotilde ne voulant pas se marier, refusant de rentrer dans le rang va se transformer en réussite -- dès lors que l'argent commence à entrer dans la danse. "Le jour où mon salaire a dépassé celui de papa, il en a conçu une immense fierté et s'en est vanté dans toute la famille ." (H)

(11) Après n'avoir que peu souffert du manque d'argent, Joëlle se met à fort bien gagner sa vie. C'est alors que le couple commence à se déchirer. Joëlle en veut à Alain de continuer à rêver et paresser tandis qu'elle fait un emprunt pour s'installer. Un cabinet plus un appartement. (H)

(12) Depuis ses premières sorties d'adolescente, Louise n'a jamais payé. L'idée ne l'a même pas effleurée. Maintenant qu'elle commence à fort bien gagner sa vie, elle envisage, sans grand enthousiasme, de participer aux impôts. (H)

Commentaire:
Il sera très bref puisque nous pouvons lire les occurrences avec commencer à V2 selon le micro-système de l'opérateur à, orienté gauche / droite, qui introduit par son ouverture le choix paradigmatique de V2. V1 à V2 accepte sinon requiert une explication postérieure, à droite dans l'énoncé, caractérisée par une information nouvelle.

 

Récapitulation:
Je mettrai l'accent sur les valeurs sémantiques de commencer à V2 et de commencer de V2 inscrits dans le discours.
La première structure ouvre un choix paradigmatique de V2 et insiste sur celui-ci, sur "ce qui commence " ; l'information nouvelle est mise en relief dans la chaîne d'encodage après commencer. V2 peut être l'objet de la question : " commencer quoi ? ". V2 nominalisé sera marqué selon le schéma d'ouverture suivant : UN / UNE + NOM.
Avec commencer de V2 en revanche, l'accent est mis sur le fait même que V2 en est à son premier stade. V2 est marqué par de comme présupposé par l'énoncé. Dans :

(13) Il commence de pleuvoir.

l'énonciateur n'a pas le but de renseigner le co-énonciateur sur la présence de la pluie déjà connue de lui, comme dans le cas suivant :

(14) Il commence à pleuvoir.

dont le sens est proche de :

(14') Tiens regardes, il pleut.

mais celui d'attirer son attention sur le déclenchement de l'événement. Commencer de V2 présupposant s'intègre dans des énoncés du type :

(13') Comme il commence de pleuvoir, tu ferais mieux de te couvrir avant de sortir, la pluie pourrait durer et tu serais trempé.

 

Enfin j'attirerai l'attention du lecteur sur deux derniers points : le premier est l'inacceptabilité de finir à V2. Selon le point de vue développé dans ces pages, la raison est évidente puisque "finir" une opération implique l'existence de celle-ci, à un degré bien plus soutenu que dans le cas de "continuer".
Le second point sera une remarque sur les énoncés avec difficile à / difficile de ; on pourra dire :

(15) C'est difficile à faire.
(16) C'est difficile de faire ça.

mais

(16') * C'est difficile de faire.

est inacceptable. Avec de s'impose la nécessité d'un marqueur de présupposition (comme ça par exemple).

Comparons les derniers exemples suivants qui s'inscrivent eux aussi dans la différence de l'énonciation entre à et de :

(17) C'est difficile à expliquer.

s'agit d'une déclaration : (je glose) " Je suis incapable de vous transmettre ma connaissance. Vous ne pouvez pas me comprendre. "

(18) C'est difficile d'expliquer.

s'agit d'une tentative d'explication : (je glose) " Comment vous dire... je vais essayer quand même. "

Puis enfin :

(19) C'est difficile à manger.

L'objet mangé est en cause : il est coriace ou trop mou.

(20) C'est difficile de manger.

Le sujet mangeant est en cause : problèmes de dentition ou de digestion.

 

* * *

 

Je tiens à exprimer ici ma gratitude envers le Professeur Kazuro Oguma pour le temps qu'il a bien voulu consacrer à la relecture de ces pages et pour ses remarques précieuses qui m'ont aidé à une meilleure appréciation du problème.